Nicolas Dautricourt © DR
Nicolas Dautricourt © DR

Conversation avec Nicolas Dautricourt

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Conversation avec Nicolas Dautricourt, violoniste


Ysaÿe est un de vos compositeurs préférés, qu’est-ce qui vous touche chez lui ?

Ysaÿe est un très grand compositeur qui, comme Bach, réussit le miracle de donner au violon des notes polyphoniques.
En écoutant ses oeuvres, on n’a jamais l’impression qu’il manque un instrument; il est capable de jongler avec la mélodie, l’harmonie et la diversité tout en étant très sensible et riche. C’est très intéressant pour le répertoire pour violon mais également du point de vue musical en général.


En juin dernier vous avez joué avec la pianiste Dana Ciocarlie au festival Palazzetto Bru Zane au théâtre des Bouffes du Nord. Il y avait une très belle alchimie entre vous et beaucoup d’intensité…

Je pense que sur scène il faut se donner corps et âme. L’élément central est la transmission : le public ressent qu’on joue vraiment pour lui et est très sensible à cet engagement. Un musicien n’est pas sur scène pour soi-même ou pour quelques collègues, il est là pour le public et pour lui faire plaisir.
C’est pour cela qu’il faut bien réfléchir à l’interprétation, en restant fidèles aux partitions et en trouvant la juste sensibilité pour mettre en valeur les émotions que les compositeurs souhaitaient communiquer.


A cette occasion vous avez joué des pièces assez rares, est-ce que la
recherche vous intéresse?

La recherche est très intéressante, il y a des jolies pièces qui ne peuvent pas être considerées des chefs-d’oeuvre, mais qui méritent d’être écoutées, car par exemple elles illustrent une époque et un ressenti, comme par exemple Poème de Joseph Canteloube que j’ai joué au festival.

En revanche je trouve qu’il faut également avoir l’honnêteté intellectuelle d’admettre que certaines oeuvres sont malheureusement ratées.
Vous êtes également passionné par le jazz et le tango, est-ce que la pratique d’autres genres enrichit celle du classique ?

Le jazz me plait beaucoup, mais je le pratique sans prétentions. J’ai la chance de connaître des très bons jazzmen comme Jean-Marie Ecay, Nelson Veras, Jean-Philippe Viret, Jean-Marc Jafet, Antoine Hervé, Dominique Fillon et Pascal Schumacher, qui m’invitent à jouer avec eux et j’en suis ravi.Effetivement le jazz donne une certaine liberté, l’improvisation aide beaucoup la mémoire, du coup je me sens plus sûr de moi quand je suis sur scène.

Comment est né le programme « Bach and beyond » ?L’idée était de rassembler un grand nombre d’oeuvres pour violon solo et d’associer Bach et Ysaÿe – qui représentent respectivement le classique et le postromantique impressionniste – avec une oeuvre moderne (Bartok, Hindemith, Berio) et une contemporaine (Kurtag, Dusapin, Saarhiao, Mantovani).

 

Lors de vos concerts, vous avez l’habitude de presenter les œuvres avec beaucoup d’humour et de légèreté. Pourquoi ce choix ?Je tiens à présenter les concerts de manière simple et détendue, pour faire decouvrir des nouveaux répertoires dans le plaisir de l’écoute.
Il est très important pour moi que le public puisse se » divertir » et passer un bon moment.

 

Depuis cette année vous jouez un instrument avec un considérable bagage historique et musical*. Qu’est-ce que cela a changé pour vous ?Il y a bien évidemment une très grande différence en termes qualitatifs : si je le compare au violon que je jouais avant, le son est beaucoup plus suave et riche. A cela se rajoute également la dimension mythique liée à cet instrument : le public reste très envoûté.

C’est vraiment quelque chose qui change la vie d’un musicien et je suis très reconnaissant d’avoir été choisi pour le jouer.
C’est un privilège et un bonheur, mais également une responsabilité, vis à vis du propriétaire de l’instrument, des autres artistes et du public. Il est important pour moi de continuer à être digne de cet instrument.

 

Vous avez déjà joué à Bach en Combrailles, qu’est-ce qui vous a amèné à (re)venir ici et comment avez-vous choisi le programme ?

Patrick Ayrton, qui est un bon ami et excellent musicien m’a invité la première fois ici en x et je suis ravi d’avoir été invité ici à nouveau. Pour ce qui concerne le programme, l’idée était d’associer à Bach quelque chose de différent tout en rappelant sa musique.

 

Quels sont vos projets à venir ?

J’ai une tournée de concerts au Japon, en Italie et aux États unis. Je jouerai avec la Detroit Symphony et Leonard Slatkin.
Ensuite j’ai un projet de disque sur l’intégrale de l’oeuvre pour violon de Sibelius. C’est un compositeur au caractère très marqué qui me fascine énormément. Il a représenté sa propre école et créé son propre univers. Il n’a jamais été copié et, de ce point de vue, il est très proche d’Ysaÿe et en partage la grande sensibilité.

 

* Nicolas Dautricourt joue un Antonio Stradivarius « Château Fombrauge » du 1713, qui avant était joué par Matthieu Arama.

Parallèlement à sa formation en chant lyrique, Cinzia Rota fréquente l'Académie des Beaux-Arts puis se spécialise en communication du patrimoine culturel à l'École polytechnique de Milan. En 2014 elle fonde Classicagenda, afin de promouvoir la musique classique et l'ouvrir à de nouveaux publics. Elle est membre de la Presse Musicale Internationale.

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