David Chan / Festival Musique et vin au Clos Vougeot
David Chan / Festival Musique et vin au Clos Vougeot © Jean-Louis Bernuy

David Chan, violoniste créateur de synergies

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Rencontre avec David Chan, violon solo de l’orchestre du Metropolitan Opera de New York et directeur artistique du festival « Musique et vin au Clos Vougeot », qui tous les ans rassemble passionnés de musique et d’œnologie.

 

Il y a 9 ans vous avez fondé le festival « Musique et vin au Clos Vougeot », qui associe la musique classique au patrimoine viticole de la Bourgogne. Qu’est-ce qui vous a motivé à créer ce festival ?

J’avais envie de créer quelque chose de très convivial avec de grands musiciens (et amis !), afin de partager notre amour pour la musique et le vin.
En 2005 je m’étais rendu en Bourgogne pour deguster des vins et j’avais été ému par la générosité des bourguignons. Les rencontres que j’ai faites à cette époque se sont transformées en amitiés qui m’ont donné envie d’organiser un événement pour eux et pour valoriser le patrimoine extraordinaire de cette région.

J’ai ainsi eu l’idée de créer un festival liant musique et vin et j’en ai parlé à Bernard Hervé qui, enthousiaste, m’a conseillé de commencer à chercher des financements pour le mettre en place.
Afin de trouver des mécènes, nous avons imaginé d’organiser un petit concert privé avec une trentaine de personnes, dans une cave au domaine. Finalement on s’est retrouvé avec 220 interessés ! Parmi eux figurait Aubert de Villaine de la Romanée-Conti, qui a été garant de notre succès.
Nous avons ainsi deplacé le concert dans un endroit plus adapté : le Clos Vougeot, aujourd’hui un des lieux incontournables du festival.

Depuis sa création, en 2008, « Musique et vin au Clos Vougeot » n’a jamais cessé de se developper, en contribuant également à augmenter l’intérêt des collectionneurs vers le vin bourguignon. Aujourd’hui nous avons des mecènes en France, à Hong Kong, à New York et même dans la Silicon Valley !

 

Comment fonctionne l’organisation du festival ?

Nous sommes une petite famille où tout le monde contribue dans toutes les sphères, selon ses competences.

En tant que directeur artistique je m’occupe d’inviter les artistes et d’imaginer les programmes, en collaboration avec Daniel Weissmann, directeur de l’Orchestre Royal Philharmonique de Liège et de l’orchestre des Climats de Bourgogne.
De son côté, Bernard Hervet s’occupe du developpement du festival. C’est lui qui, en 2009, a eu l’idée de créer une Fondation pour les jeunes talents et un fond instrumental.

 

En effet, tous les ans vous recompensez des jeunes artistes qui sont ensuite invités au festival. Comment les choisissez-vous ?

Avec notre bourse Jeunes Talents, nous recompensons chaque année deux artistes : un français et un américain. Ensuite nous les invitons au festival où ils auront l’opportunité de se faire connaître et de jouer avec des artistes plus expérimentés.
Daniel Weissmann s’occupe de choisir les musiciens en France, et moi aux Etats Unis, où je suis entouré de jeunes artistes de talent, entre les étudiants de la Juillard School of Music où j’enseigne et les lauréats du Young Artist Program du Metropolitan opera où je travaille.
Les lauréats de cette édition sont Hyesang Park, une brillante soprano coréenne-américaine, et Vladimir Perčević, un talentueux altiste serbe, passionné de musique contemporaine.

 

Vous êtes violon solo de l’orchestre du Metropolitan Opera de New York, où vous vivez, mais vous êtes tout de même très attaché à la France. Qu’est-ce qui vous a poussé à tisser des liens entre les deux pays ?

Permettez-moi de vous raconter une histoire : il y a deux ans j’étais allé au domaine Henri Gouges à Nuit-St-Georges pour une dégustation avec des amis musiciens et comme on n’avait pas une idée précise de ce qu’on voulait goûter, Pierre Gouges s’était occupé du choix.
Il nous a donc sorti une bouteille de 1944 en nous disant que l’on n’ouvrait jamais les bouteilles des années de guerre. « Alors pourquoi l’ouvrir maintenant ? » je lui ai-je demandé. « Parce que c’est le bon moment », m’a-t-il repondu.
Seulement quelques heures après que je me suis rendu compte de ce que son geste voulait dire et cela m’a beaucoup touché…

David Chan / Festival Musique et vin au Clos Vougeot © Jean-Louis Bernuy
David Chan / Festival Musique et vin au Clos Vougeot © Jean-Louis Bernuy

L’amitié franco-américaine est donc pour moi très importante, tout comme pour les musiciens qui participent ou ont participé au festival, comme Gary Hoffmann, américain à Paris depuis plusieurs années ; Jean Yves Thibaudet et Pierre Génisson, français expatriés à Los Angeles ; ou encore l’harpiste Emmanuel Ceysson, qui après une carrière à l’orchestre de l’Opéra National de Paris vient d’intégrer celui du Metropolitan Opera de New York.
Ce sont tous des artistes extraordinaires et des amis, que j’ai le plaisir d’inviter au Clos Vougeot et avec qui je collabore également au-delà du festival.

 

Quels sont les temps forts de l’édition de cette année ?

C’est difficile de choisir, toute la programmation est intéressante !
Il ne faut pas manquer le concert gratuit des jeunes talents dans la Grande Halle de Beaune le 18 juin, où Renaud Capuçon, qui vient pour la première fois au festival et qui sera sur scène le 19, en compagnie de Michel Dalberto et de Charles Hervet.

Le 22 on retrouvera Emmanuel Ceysson à la harpe en première partie, suivi par les cordes du MET (Catherine Ro, Dov Scheindlin, Rafael Figueroa et Bernard Cazauran) et les vents français (Pierre Génisson, Joanie Carlier et David Guerrier) reunis pour un magnifique octuor de Franz Schubert.

Pour finir, le 24 on pourra écouter trois des Concerti Brandebourgeois de Bach, avec l’orchestre éphémère des « Climats de Bourgogne », qui reviendra pour le concert de gala avec le baryton basse Ildar Abdrazakov et le violoncelliste Gautier Capuçon, sous la direction de Charles Dutoit.

 

En parlant de Climats de Bourgogne, ils ont récemment été inscrits au patrimoine de l’UNESCO. Comment le festival a-t-il contribué à cela ?

En 2012, avec Bertrand et Aubert, nous avons décidé de créer un orchestre afin de contribuer à la campagne pour l’inscription des Climats de Bourgogne au patrimoine de l’UNESCO.
Bertrand avait envie de créer un orchestre d’amateurs et de connaisseurs de vin, et l’orchestre des Climats de Bourgogne represente exactement cela : les musiciens répètent, font des concerts, degustent des mets et des vins ensemble, le tout dans une ambiance festive et conviviale.

C’est rare que des musiciens professionnels puissent passer un weekend ensemble seulement pour la passion de la musique et du vin, et pas uniquement pour un cachet ou des raisons professionnelles.

 

Que diriez vous aux spectateurs pour les inviter au festival ?

Je joue dans presque tous les concerts, mais parfois je suis également spectateur et je peux profiter ainsi de la degustation d’avant-concert, faire des rencontres amicales et apprecier l’atmosphère détendue qui se crée pendant le festival.
C’est un moment de synergie très spécial : écouter des concerts et deguster du vin c’est agréable, mais avoir l’opportunité de profiter des deux en même temps c’est quelque chose d’unique et merveilleux.

Parallèlement à sa formation en chant lyrique, Cinzia Rota fréquente l'Académie des Beaux-Arts puis se spécialise en communication du patrimoine culturel à l'École polytechnique de Milan. En 2014 elle fonde Classicagenda, afin de promouvoir la musique classique et l'ouvrir à de nouveaux publics. Elle est membre de la Presse Musicale Internationale.

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