Ju-Young Baek, Florian Uhlig, Hartmut Rohde et David Cohen au festival Pablo Casals de Prades © SBJ
Ju-Young Baek, Florian Uhlig, Hartmut Rohde et David Cohen au festival Pablo Casals de Prades © SBJ

65ème édition du Festival Pablo Casals : Prades atteint des sommets

4 minutes de lecture

Dans les Pyrénées-Orientales, à quelques dizaines de kilomètres de Perpignan et au pied du massif du Canigou, le lancement du 65ème été de musique a été célébré, à Prades, le 24 juillet dernier et se poursuivra jusqu’au 13 août prochain. Les vingt-et-un jours du Festival Pablo Casals sont rythmés par des concerts, dans différents lieux des environs, tous plus fabuleux les uns que les autres, des rencontres, des master-classes, des déambulations dans le Conflent…, pour la beauté des yeux et des oreilles.

Michel Lethiec, le directeur artistique du Festival, peut être fier de cette 65ème édition jaune et jeune qui perpétue l’âme du violoncelliste Pablo Casals, très attaché à la petite ville catalane. Ce nouveau rendez-vous, ponctué par des rencontres, des répétitions et des master-classes avec les solistes de demain, a été aussi l’occasion de faire vivre Prades au son d’un programme alliant rareté et raffinement, mis en valeur dans plusieurs lieux exceptionnels du Conflent. Quand architecture et musique fusionnent, c’est évidemment pour sublimer le meilleur de ce qu’il est possible de voir et d’entendre pour le commun des mortels.

Parmi les immanquables, il y a eu les concerts thématiques dont celui « cinéma et musique » qui s’est déroulé dans la salle du Foirail de Prades. D’Amadeus à Titanic, en passant par Rabbi Jacob, Barry Lindon ou encore Le Pianiste, le septième art a résonné grâce au talent intemporel de Bach, Beethoven, Mozart, Gershwin, Chopin… Quelques jours plus tard, le Carnaval des Animaux de Camille Saint-Saëns résonnait au même endroit, faisant le bonheur du jeune public comme des plus grands. Le compositeur ne voulait pas que son œuvre soit jouée mais la partition est tellement belle qu’elle est devenue la pièce la plus interprétée de son répertoire. De la marche royale du lion à celle, pataude, de l’éléphant, les treize animaux ont bénéficié d’une approche ludique et pédagogique, explicitée par des périphrases ou des devinettes. La présentation, au moyen de dessins et d’un narrateur charismatique, a permis de clarifier les associations qui existent entre les animaux et les instruments qui les prennent en charge, jusqu’à la parade qui nous a tous émerveillés. La soirée « Contes et légendes » promet également d’être formidable.

Quand vient le soir, les festivaliers peuvent se délecter d’un coucher de soleil dans les montagnes surplombant le cloître de l’Abbaye Saint-Michel de Cuxa avant de se presser dans la salle de concert à l’acoustique remarquable afin d’entendre des œuvres qui se font rares comme ce programme russe du XIXe et du XXe siècles qui a rappelé à notre mémoire des pièces fabuleuses, berçantes ou impressionnantes, à l’instar du Souvenir d’un lieu cher pour violon et piano et du quatuor à cordes n°1 en ré majeur, dit le Requiem pour Fanny de Tchaïkovsky ou encore Le Trapèze de Prokofiev, demandée pour un ballet puis transformée en pièce de musique de chambre. Nous avons pu également nous rassasier d’un concert impérial célébrant le passage des siècles à Vienne en tombant d’admiration face à la violoniste Ju-Young Baek, exceptionnelle, dans la Symphonie Héroïque pour piano et cordes n°3 dont l’époustouflant deuxième mouvement nous a fait oublier que la programmation du soir est souvent un peu trop ambitieuse en terme de durée. Mais revenir après l’entracte prenait ici tout son sens pour réentendre autrement l’œuvre que Beethoven avait dédié à Napoléon Bonaparte, à qui il vouait une certaine admiration, avant que ce dernier n’envahisse Vienne en 1808.

L’un des temps forts de cette édition aura été sans aucun doute la journée du 30 juillet qui a débuté pour plus de deux cents amoureux de musique à six heures du matin, au sommet du Canigou, plus précisément au refuge des Cortalets, avec un lever de soleil au son d’Haydn, Farkas, Schubert ou encore l’inoubliable Chant des Oiseaux de Pablo Casals, transcription d’un chant populaire catalan dont l’illustre musicien espérait en faire l’hymne de ses compatriotes espagnols exilés et le symbole de la résistance face au franquisme qui faisait rage en ces temps-là. Abreuvés de paysages visuels et sonores sublimes, les plus courageux sont redescendus vers le Casino de Vernet les Bains pour un concert aux douze coups de midi. La journée, qui naquit au sommet, s’est achevée en bas, dans les sous-sols, au creux des grottes des Canalettes avec les jeunes talents, qui ne sont pas oubliés durant les vingt-et-un jours de fête.

L'affiche du festivaal Pablo Casals de Prades
L’affiche du festival Pablo Casals de Prades

En effet, pendant le Festival, du 1er au 14 août, l’Académie accueille des instrumentistes du monde entier, des étudiants de très haut niveau qui constituent les meilleurs espoirs de l’avenir de la musique de chambre. A travers des master-classes ou des cours, ils se perfectionnent sans relâche avec en tête l’enseignement du Maître qui a « toujours considéré la technique comme un moyen, non comme une finalité. Il faut comprendre que le but de la technique est de transmettre « le sens profond » intérieur, le message de la musique ». Tous espèrent être le soliste choisi lors d’une audition publique pour le concert de clôture en l’église Saint Pierre de Prades mais chacun sait que quoi qu’il arrive, il quittera la ville avec des richesses supplémentaire au fond du cœur. Il n’y a qu’à entendre le récital de piano de Tanguy de Williencourt, dans le cadre du concert Génération Spedidam, pour savoir que l’avenir leur tend les bras, tout comme aux huit révélations classiques de l’ADAMI.

Quand la nuit enveloppe les ruelles étroites de Prades, il fait bon vivre de se poser sur la place de l’église pour un dernier verre en compagnie des artistes et des festivaliers. On y parle de ce que l’on a vécu, tous ensemble, en communion, durant la journée. Un excellent moyen de prolonger de quelques heures ce rêve musical qui ne s’interrompt que de courtes heures pour mieux revenir le lendemain ou l’année suivante.

Professeur des écoles le jour, je cours les salles de Paris et d'ailleurs le soir afin de combiner ma passion pour le spectacle vivant et l'écriture, tout en trouvant très souvent refuge dans la musique classique. Tombée dans le théâtre dès mon plus jeune âge en parallèle de l'apprentissage du piano, c'est tout naturellement que je me suis tournée vers l'opéra. A travers mes chroniques, je souhaite partager mes émotions sans prétention mais toujours avec sensibilité.

Derniers articles de A la loupe