Françoise Levéchin-Gangloff : le solfège, clé de voûte de la liberté musicale
Titulaire de l’orgue de l’église Saint-Roch à Paris, Françoise Levéchin-Gangloff a transmis aux étudiants musiciens le goût de la formation musicale […]
Créée avec succès en 1641 à Venise, puis en 1645 à Paris où ce fut le premier opéra de l’histoire, la Finta Pazza de Francesco Sacrati avait littéralement disparu depuis du répertoire. Désormais en résidence à l’Opéra de Dijon avec sa Cappella Mediterranea, Leonardo Garcia Alarcon nous offre cette redécouverte majeure dans une mise en scène sensible et soignée de Jean-Yves Ruf.
Dans sa loge du Grand Théâtre de Dijon où il nous reçoit, une heure avant la représentation de la Finta Pazza de Francesco Sacrati, Leonardo Garcia Alarcon a l’œil pétillant du garnement hyperdoué qui viendrait de réussir un très bon tour.
« C’était un mythe, cette partition disparue depuis 1641 ! La Finta Pazza est le plus grand succès des premiers opéras vénitiens, le premier opéra jamais donné en France, en 1645, devant Louis XIV enfant. Il est à l’origine de la passion du Roi pour la danse et l’opéra, donc de la création en 1669 de l’Académie royale de musique et de danse, ancêtre de l’Opéra de Paris ».
« J’ai tout de suite vu en Sacrati, un compositeur de la trempe de Monteverdi et de Cavalli. C’est le troisième homme. Ils ont travaillé ensemble. Il faut imaginer un travail d’atelier.
Sacrati est à coup sûr le compositeur de Pur ti Muro, le duo le plus connu du Couronnement de Poppée de Monteverdi, qui ne figurait pas dans le livret original, mais apparait dans les versions ultérieures. Ce duo est exactement construit sur la même base, le même type d’intervalles, le même type d’alternance entre les voix que la chansonnette à trois entre Déidamie, Achille et Eunuque dans la scène 5 de l’acte 1 de la Finta Pazza. Sacrati est le seul de la bande à composer ainsi avec des notes pédales, des harmonies de 4/2 et de 6/5 qui créent des dissonances extrêmement modernes pour l’époque.
[epq-quote align= »align-left »]La musique de Sacrati n’altère jamais le temps théâtral par des figures de rhétorique musicale[/epq-quote]
Cette musique est passionnante parce que les compositeurs commencent à placer des affects dans leur musique, deviennent peu à peu dramaturges, mais restent au service du théâtre. La musique de Sacrati n’altère jamais le temps théâtral par des figures de rhétorique musicale comme le deviendra par la suite l’aria da capo. C’est encore prima le parole a dopo la musica ! »
Les Dieux viennent des airs comme lors de la création à Paris grâce aux machineries de Torelli © Gilles Abegg
Pour la résurrection de cette épopée intime, le tandem Leonardo Garcia Alarcon – Jean-Yves Ruf, dont la complicité fait merveille depuis une mémorable Elena de Francesco Cavalli il y a deux saisons à Aix, a une nouvelle fois opté pour une simplicité de bon aloi.
Il le fallait pour conduire cet argument célèbre au rythme haletant voulu par le librettiste Giulio Strozzi, pleinement soutenu en musique donc par Sacrati.
[epq-quote align= »align-left »] »Effectif restreint, palette large et colorée »[/epq-quote]
Parce qu’elle sait que la guerre de Troie lui sera fatale, sa mère, la nymphe Thétis, travestit son fils Achille et le cache à Scyros parmi les filles du roi Lycomède, où viennent le dénicher et le démasquer Ulysse et Diomède. Entretemps, une des filles du roi, la belle Déidamie a découvert les charmes virils d’Achille, en est tombée amoureuse, lui a clandestinement donné un fils, et n’entend pas le laisser partir à la guerre sans qu’il l’ait au moins épousée. Elle parviendra à ses fins en mimant la folie, prouvant ainsi à la face du monde que « le cheveu de la femme est plus tranchant que le fil de la lance du guerrier ».
Dans la fosse, l’effectif est restreint, mais la palette est large et colorée, « les cornets pour la mer, les flûtes graves pour la lamentation, et les violons pour l’allegro », dixit le maestro Alarcon (voir entretien).
Sur scène, peu ou pas de décor. Un rideau festonné rouge pour symboliser la voile du navire d’Ulysse et Diomède, un simple voile pour flouter le gynécée où se cache Achille. Les Dieux apparaissent dans les airs comme ce fut surement le cas lors de la création à Paris grâce aux machineries du génial Giacomo Torelli. La direction d’acteurs est millimétrée, comme il se doit pour un livret échevelé qui ne laisse jamais au spectateur le temps de souffler.
La soprano argentine Mariana Flores incarne une Déidamie irrésistible, surtout dans l’acte où sa folie feinte impose sa loi aux guerriers médusés. Le reste de la distribution est homogène et sans faille. On n’oubliera pas de sitôt l’Eunuque phénoménal de Kacper Szelazek, et la nourrice hilarante de Marcel Beekman. Cette Finta Pazza est un enchantement théâtral et musical.
Mariana Flores incarne une Déidamie irrésistible, surtout dans sa scène de folie feinte © Gilles Abegg
Leonardo Garcia Alarcon est légitimement fier d’avoir inscrit cette Finta Pazza dans son propre triptyque de l’année autour du 350ème anniversaire de l’Opéra de Paris. Après Dijon, la Finta Pazza sera visible en mars à Versailles. Une version de concert est prévue au Victoria Hall de Genève le 3 mars. Puis, toujours à Genève, au Grand Théâtre, ce sera, du 30 avril au 11 mai, la Médée de Marc-Antoine Charpentier. Enfin, du 27 septembre au 15 octobre, il donne à l’Opéra de Paris Les Indes Galantes du dijonnais Jean-Philippe Rameau. On s’en régale d’avance !
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