La Traviata © Emilie Brouchon / Opéra national de Paris
La Traviata © Emilie Brouchon / Opéra national de Paris

Vous méritez une « Traviata » meilleure

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Créée en 2016, La Traviata mise en scène par Benoît Jacquot revient à l’opéra de Paris avec deux distributions. Rame Lahaj et Charles Castronovo s’alternent dans le rôle d’Alfredo, Marina Rebeka et Anna Netrebko dans celui de Violetta Valéry, et Vitaliy Bilyy et Plácido Domingo dans celui de Giorgio Germont.

 

Cette Traviata parisienne s’annonçait très bien : Anna Netrebko dans le rôle titre et Plácido Domingo, dans celui de Giorgio Germont. Malheureusement, il y a quelques jours, la soprano, souffrante, a dû annuler ses trois dates et a donc été remplacée par l’autre Violetta de cette production : Marina Rebeka.

La rideau se lève sur un grand espace englobant trois pièces en même temps : une chambre à coucher ornée d’une coiffeuse et un somptueux lit à baldaquin, un salon avec un confident et une salle à manger avec une grande table décorée par des chandeliers.

La Traviata © Emilie Brouchon / Opéra national de Paris
La Traviata © Emilie Brouchon / Opéra national de Paris

L’énorme lit baroque trône sur la scène comme pour souligner le vie dissolue de Violetta, tout comme l’Olympia de Manet, qui représente littéralement la protagoniste et sa servante noire, interprétée par une méconnaissable Isabelle Druet.

Tout comme les décors, la direction d’acteurs est aussi fade : les gestes et les poses sont très conventionnels et cela n’aide pas les chanteurs à nous entraîner dans leur histoire.
Un peu froide au début, Marina Rebeka devient, au fur et à mesure de la soirée, plus crédible et expressive, jusqu’à nous émouvoir avec son Addio del passato, qu’elle termine, transfigurée, dans un saisissant pianissimo. Sa voix est limpide, souple dans les arpèges et les trilles, avec un médium caressant et des graves bien maîtrisés.

L’Alfredo de Charles Castronovo est, au contraire, toujours très engagé scéniquement et vocalement, et sa diction est impeccable, pendant qu’Isabelle Druet nous offre une Annina très impliquée et attentive à sa “patronne”, surtout au dernier acte, quand elle veille sur elle, allongée par terre au pied du lit démonté.

La Traviata © Emilie Brouchon / Opéra national de Paris
La Traviata © Emilie Brouchon / Opéra national de Paris

Le très attendu Plácido Domingo campe un Germont père très âgé, se soutenant avec un bâton. Théâtralement, il est très convaincant et sa voix est agréable comme toujours, même s’il présente une fatigue vocale et physique, plus que compréhensible à 77 ans.
Un son bloqué dans la gorge l’oblige à s’interrompre en brisant le pathos de Di Provenza il mar, il suol, mais le grand artiste s’en sort avec classe : tout en gardant son calme, après un échange rapide avec le chef, il reprend comme si de rien n’était, en gagnant une pléthore d’applaudissements de soutien et d’estime de la part du public.

Des extérieurs de la demeure de Violetta, représentés par un grand arbre et un banc, on passe à la fête dans l’élégant palais de Flora, symbolisé par des tables de jeu au pied d’un luxueux escalier en marbre coloré, sur lequel des membres du chœur de l’Opéra de Paris attendaient très patiemment le déroulement du premier tableau.

Nous retrouvons ici la charmante Flora de Virginie Verrez, à la voix profonde et séduisante, dont la superbe robe bleue est décorée d’une camélia, comme celle de Violetta, accompagnée des très convaincants Julien Dran (Gastone) et Tiago Matos (il marchese d’Obigny). On remarquera aussi le très crédible Philippe Rouillon (Il barone Duphol), au timbre percutant, et le docteur Grenvil de Tomislav Lavoie, captivant malgré son court rôle.

La Traviata © Emilie Brouchon / Opéra national de Paris
La Traviata © Emilie Brouchon / Opéra national de Paris

Si le chœur de l’opéra de Paris fait preuve de charisme, malgré une mise en espace souvent figée, l’orchestre sous la baguette de Dan Ettinger est rapide et énergique.
Finalement la mise en scène se dynamise, grâce à la danse des bohémiennes et des toréadores où les genres inversés et la chorégraphie absurde, colorée et amusante, permettent aussi d’alléger l’ambiance dramatique. Hélas cela n’est pas suffisant pour en faire une soirée réussie et nous sortons de la salle un peu déçus.

Parallèlement à sa formation en chant lyrique, Cinzia Rota fréquente l'Académie des Beaux-Arts puis se spécialise en communication du patrimoine culturel à l'École polytechnique de Milan. En 2014 elle fonde Classicagenda, afin de promouvoir la musique classique et l'ouvrir à de nouveaux publics. Elle est membre de la Presse Musicale Internationale.

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