Marion Lebègue et Johanne Ralambondrainy dans "Vienne éternelle, aube et crépuscule à Royaumont" © François Mauger / Royaumont
Marion Lebègue et Johanne Ralambondrainy dans "Vienne éternelle, aube et crépuscule à Royaumont" © François Mauger / Royaumont

« Qu’ils étaient beaux les soirs de Vienne » : Mahler, Berg, Strauss et… Barbara au Festival de Royaumont

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Marion Lebègue et Johanne Ralambondrainy étaient au festival de Royaumont pour un récital autour d’une Vienne éternelle, entre aube et crépuscule

 

Vienne, 1896.
Dans un beau salon en style art nouveau, un groupe d’amis est réuni.
La pièce élégamment décorée est éclaircie par des lampes en verre, pendant que des femmes à la peau rose et blanche les observent, dessinées sur des tableaux en mosaïque où la couleur alterne avec l’or.
Les invités sont installés dans des fauteuils aux formes ondulées ou des chaises longues, autour d’un piano à queue. Dans des verres en cristal, ornés de décorations florales, des rafraîchissements sont servis. Le temps de quelques salutations, puis deux jeunes femmes prennent place à côté de l’instrument. Le concert va commencer.

L’architecture XIIIe siècle du charmant réfectoire des convers de l’abbaye de Royaumont n’a, bien évidemment, rien à voir avec une maison bourgeoise de la capitale autrichienne du XIXe, pourtant l’ambiance que l’on ressent aujourd’hui pourrait être la même.
Dans le cadre du Festival de Royaumont, un programme autour de lieder composés à cheval entre le XIXe et le XXe siècle, est présenté dans cette salle, dont les usages allèrent de dortoir à réfectoire, et de lieu de stockage à salle de bal.

Lauréates d’une formation autour de lieder et mélodies avec Dietrich Henschel à Royaumont en 2013, la mezzo Marion Lebègue et la pianiste Johanne Ralambondrainy ont chanté le mystère de la nuit à travers des œuvres de Mahler, Berg et Strauss.
Au programme, les quatre Lieder eines fahrenden Gesellen (Chants d’un compagnon errant), qui ont la particularité d’être très intimement liés aux autres œuvres de Mahler, notamment à sa Symphonie nº 1, où il reprend beaucoup de matériel thématique, et aux poèmes du Das Knaben Wunderhorn, qui en ont inspiré le texte.

Marion Lebègue et Johanne Ralambondrainy dans "Vienne éternelle, aube et crépuscule à Royaumont" © François Mauger / Royaumont
Marion Lebègue et Johanne Ralambondrainy dans « Vienne éternelle, aube et crépuscule à Royaumont » © François Mauger / Royaumont

Le musicologue Henry-Louis de la Grange dit de Mahler que toute son œuvre « est habitée par la pensée de l’au-delà et d’un monde meilleur qui sera le refuge et la consolation des infortunes terrestres ». On y retrouve en effet des thèmes très ancrés dans la tradition du romantisme allemand, comme celui du Wanderer et de la désolation amoureuse, mais également l’exploration d’autres chemins d’expression, comme la musique folklorique, et de nouvelles possibilités tonales, qui nous amèneront au post-romantisme.

De l’univers de Mahler, nous passons à ceux de Berg, avec les Sieben frühe lieder, et de Strauss avec deux beaux lieder dont le célèbre Morgen, accompagnés de manière convaincante par Marion Lebègue et Johanne Ralambondrainy.

Malgré un choix de projection et un vibrato peu adaptés au climat paisible et intimiste du programme et des lieux, nous apprécions la voix large et ronde de Lebègue et sa prononciation impeccable de l’allemand, tout comme son grand engagement. Quoique un peu en retrait (ce qui ne fait qu’accentuer encore plus la présence imposante de la voix) le piano de Ralambondrainy est précis et expressif et nous donne envie d’en écouter plus.

Ce concert est dédié au musicologue Henry-Louis de la Grange, décédé le 27 janvier 2017.
Critique musical, il se consacra à l’étude de l’œuvre de Mahler, rencontrant sa veuve Alma et devenant ami proche de sa fille, et fut le biographe reconnu du compositeur. Il organisa plusieurs festivals en son honneur, et fut conseiller pour des expositions, des symposia et des orchestres (comme l’Orchestre national de Lyon). C’est également à de la Grange que l’on doit d’avoir constitué un très important fonds d’archives concernant Mahler et son époque, qui, avec sa vaste collection, appartient aujourd’hui à la Médiathèque Musicale Mahler (de la Fondation de France) dont la gouvernance, les activités et le fonctionnement sont confiées à la Fondation Royaumont.

Le concert se termine avec une surprise dans un tout autre registre : Vienne de Barbara, un petit hommage à la chanteuse 20 ans après sa disparition, à qui sera dédiée une exposition à la Philharmonie de Paris, à partir du 16 octobre.

Parallèlement à sa formation en chant lyrique, Cinzia Rota fréquente l'Académie des Beaux-Arts puis se spécialise en communication du patrimoine culturel à l'École polytechnique de Milan. En 2014 elle fonde Classicagenda, afin de promouvoir la musique classique et l'ouvrir à de nouveaux publics. Elle est membre de la Presse Musicale Internationale.

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